Québec persiste à défier la nature
le samedi 9 octobre 2004
Lac Kénogami
Québec persiste à défier la nature
Les milliers de riverains du lac Kénogami, ainsi que des rivières aux Sables et Chicoutimi, s’impatientaient du long silence d’une année complète observé par le gouvernement. La députée-ministre de Jonquière, Françoise Gauthier, leur a infligé tout un choc, cette semaine, en confirmant la suspension du projet de construction d’un réservoir tampon sur la rivière Pikauba.
Celle qui avait, avec une ardeur admirable, critiqué le gouvernement précédent pour avoir « forcé la main de Dieu », avec ses négligences, et transformé ainsi en catastrophe le débordement du lac-réservoir Kénogami, semble avoir perdu sa compassion pour les victimes du Déluge de 1996. Tout ce qui lui importe, c’est que le lac Kénogami soit maintenu, en été, à un niveau suffisamment élevé, le reste importe peu.
Pourquoi avoir commandé une enquête au BAPE si le gouvernement Charest n’avait pas l’intention d’en examiner les conclusions? Espérait-il que les distingués commissaires allaient noyer le poisson ou donner raison aux bruyants fondamentalistes de l’écologie qui, à l’instar de Brigitte Bardot, se préoccupent davantage de l’animal que de l’humain?
Constat unnime
Tous les spécialistes interrogés constatent, à l’unanimité, que le mécanisme appliqué par le gouvernement libéral, même avec la présence sur place d’un gardien permanent, ne peut garantir la sécurité des riverains. Ceci tout en accomplissant ses missions de centre d’activités de plein air, de réseau hydroélectrique et d’élément harmonieux, avec ses deux rivières, au coeur de la plus importante agglomération urbaine de la région.
Au terme de leur enquête qui, avec les audiences publiques, s’est échelonnée sur une dizaine de mois, les commissaires désignés par le ministère de l’Environnement ont clairement indiqué la nécessité de compléter le travail entrepris sous le gouvernement de Lucien Bouchard, en 2000 : « …puisque le bassin versant du lac Kénogami réagit rapidement aux précipitations, le laps de temps requis pour gérer une crue majeure nécessite en effet une meilleure capacité d’évacuation. »
La Commission complète sa pensée quelques lignes plus loin en insistant sur la nécessite d’aménager un réservoir tampon sur la rivière Pikauba, de creuser le seuil de la rivière aux Sables pour augmenter la capacité d’évacuation et de rehausser les digues du lac Kénogami.
Le mandat d’Hydro-Québec
Ceux qui pensent que ce projet est une fantaisie devraient se rappeler que le lac Kénogami est le seul réservoir du réseau hydroélectrique du Québec dépourvu d’un véritable évacuateur de crues. Quand le bassin déborde, il inonde les terres des riverains, alors que le surplus devrait être acheminé au Saguenay dans un conduit souterrain. On comprend pourquoi les rivières Chicoutimi et aux Sables ont si souvent sorti de leur lit. De 1974 jusqu’au Déluge de 1996, l’eau a envahi les propriétés de riverains à une vingtaine de reprises. Elle a causé des dégâts majeurs en cinq occasions. En 1996, le quart de l’ancienne municipalité de Laterrière a été inondé et une multitude de Jonquiérois et de résidents du Lac Kénogami ont également vécu un drame qui ne s’effacera jamais de leur mémoire.
En remettant la poursuite des travaux de régularisation, Québec maintient l’épée de Damoclès suspendu sur la tête des riverains. L’ancien Premier ministre, Lucien Bouchard, avait prévu la réalisation d’un programme triennal qui devait se terminer l’année prochaine. Son gouvernement avait confié sa réalisation à Hydro-Québec. L’argent devait être puisé dans le fonds spécial créé pour les régions sinistrées par le Déluge de 1996 et dans le budget qu’Ottawa réserve pour intervenir à la suite de catastrophes naturelles.
André Harvey manifestait une admirable efficacité dans le règlement de dossiers analogues. Son successeur, Robert Bouchard, qui fait de la figuration en attendant de véritables missions, devrait épouser cette cause et vérifier la vision du pouvoir fédéral dans cette affaire.
Les gens touchés par cette situation voudraient bien aussi que l’ancien maire de Laterrière, Jean-Marie Beaulieu, et leur conseil municipal, manifestent plus de conviction dans leurs démarches auprès des gouvernements supérieurs pour assurer leur protection dorénavant compromise.