le Dimanche 27 novembre 2016

FRANÇOIS TREMBLAY DE SNC-LAVALIN

Un système ingénieux utilisé pour la digue Moncouche

Il aura fallu une pelle ronde, une baguette de bois et une petite marche d’un kilomètre en aval de la digue Moncouche pour trouver la solution qui allait permettre de sécuriser cet ouvrage.

Le seuil de la digue a été relevé de deux mètres après le déluge de 1996 pour assurer la sécurité de milliers de personnes et des propriétés en bordure de la rivière Chicoutimi jusqu’à l’embouchure sur le Saguenay.

L’ingénieur en hydrogéologie de la firme SNC-Lavalin (autrefois Techmat de Jonquière), François Tremblay, n’est pas peu fier des résultats de la solution proposée au Centre d’expertise hydrique du Québec qui est aujourd’hui présentée dans des forums spécialisés pour ce type d’ouvrage. Le défi comportait des pièges importants, selon l’ingénieur, et le gouvernement exigeait une garantie quant au fonctionnement du système de la firme qui allait mettre en place les ouvrages nécessaires pour sécuriser la digue Moncouche.

«Dans le suivi de la Commission Nicolet, le seuil de la digue a été relevé de deux mètres. Il y avait donc une augmentation importante de la poussée qui s’exerçait sur elle, ce qui allait aussi augmenter les volumes d’eau qui passent dans le sol sous l’ouvrage. Nous devions trouver une façon de capter l’eau sous la digue et l’évacuer sans qu’elle n’érode l’ouvrage. L’écoulement de l’eau en grand volume aurait pu créer un phénomène d’érosion et fragiliser l’ouvrage avec le risque d’une rupture», insiste le spécialiste.

Le propriétaire de l’ouvrage prévoyait une modélisation numérique pour en arriver à mettre en place une solution bien connue qui consiste à installer une tranchée de récupération d’eau. Cette solution s’avérait difficile à appliquer puisque le niveau du lacKénogami baisse drastiquement en automne et les castors en profitent pour bloquer les systèmes de tuyauterie qui auraient permis le fonctionnement du système de sécurité de la digue.

«Il fallait trouver les quantités d’eau qui passaient sous l’ouvrage réalisé au début des années 1920. On a découvert un kilomètre plus bas de l’écoulement d’eau très froide et limpide, ce qui caractérise une eau qui coule sous la terre et non en surface», reprend l’ingénieur. Des tests ont été réalisés avec des puits temporaires pour vérifier si les quantités d’eau mesurées plus bas pouvaient sortir par les cheminées d’évacuation et à la grande surprise de l’équipe technique, ces volumes ne correspondaient pas. Les premiers puits ont été forés jusqu’à 20 mètres, ce qui correspond à la hauteur du mur de palplanches d’acier installé lors de la construction de la digue pour ériger une membrane étanche.

L’ingénieur a donc opté pour creuser trois mètres plus creux. La surprise a été de taille lorsqu’il a vu sortir des milliers de litres d’eau d’un seul puits, confirmant ainsi que l’espace d’écoulement de l’eau sous la digue était plus profond que prévu.

À partir de ce constat, l’ingénieur a procédé à l’installation d’un système de 14 cheminées d’évacuation munies d’un clapet antiretour à leur sortie au niveau du sol pour éviter le refoulement lorsque le niveau du lac Moncouche monte. Les sorties des cheminées sont protégées du gel par une structure de béton isolée.

Tout ce système, reprend l’ingénieur, fonctionne avec la gravité puisqu’il n’y a pas d’électricité sur place pour alimenter un système de pompage. En plus de permettre l’évacuation de l’eau sous la digue au niveau actuel, l’ingénieur a du faire des projections pour déterminer les quantités d’eau à évacuer advenant une crue maximale probable. Pour trouver cette inconnue, François Tremblay a récupéré des données qui n’avaient jamais été utilisées et a tracé une courbe permettant d’extrapoler ce chiffre névralgique dans la conception d’un système en mesure de répondre à une crue maximale probable.

Les 14 puits de décharge sont équipés d’instruments de mesure pour déterminer les volumes d’eau provenant de la structure granulaire sous la digue. Ces petits systèmes, qui sont les mêmes que ceux utilisés pour mesurer les débits dans les rivières à saumon, ont confirmé pendant un suivi de deux ans que le système de captation installé fonctionnait très efficacement et rendait l’ouvrage sécuritaire.

Au terme de cette aventure, François Tremblay insiste sur les éléments de base qui ont permis de concevoir le système qui diffère totalement de ce qui avait été envisagé. Selon l’ingénieur, il est le fruit de beaucoup d’observations sur le terrain et surtout de l’identification des pièges qu’il fallait éviter afin de trouver la conception idéale.