le mercredi 27 juillet 2016

L’effet de bordure

En sciences de l’environnement, on appelle écotone une zone de transition entre deux écosystèmes. Par définition, cette zone de bordure abrite des espèces particulières, adaptées aux conditions uniques qui y prévalent, mais aussi une gradation des espèces caractéristiques des deux écosystèmes adjacents. Le bord d’un lac ou d’une rivière illustre bien le concept d’écotone.

Les plantes ne sont pas toutes tolérantes à une inondation prolongée de leurs racines. En effet, dans l’espace lacunaire entre les particules de sol, il y a de l’air dans lequel les racines tirent l’oxygène qui leur est nécessaire. Dans l’eau, l’oxygène est aussi présent sous forme dissoute, mais dans des concentrations mille fois plus faibles. À mesure qu’on passe du milieu riverain sec jusqu’à l’eau, la disponibilité de l’oxygène change et cela explique que la végétation change aussi. Dans un profil typique d’un lac de la région, on retrouve par exemple des épinettes et des bouleaux jaunes sur les talus, des bouleaux blancs, des sapins et des frênes dans la zone qui peut être inondée quelques jours par année, puis des aulnes, des saules, du cornouiller et autres arbustes là où les inondations durent plus longtemps. Dans la portion de la rive qui est en contact semi-permanent avec l’eau, on retrouvera des scirpes et des phragmites, alors que dans les eaux de faible profondeur se trouveront des plantes aquatiques comme les myriophylles et les nénuphars. On peut en savoir plus sur ces plantes en consultant une étude faite sur le lac Kénogami en 2012 (www.obvsaguenay.org/public/documents/etudes…/RapportCaracLacKenoSagFinal.pdf).

L’écotone constitué par la bande riveraine et la zone littorale a une immense importance écologique puisqu’il constitue un habitat privilégié comme abri, lieu d’alimentation et lieu de reproduction pour un très grand nombre d’espèces animales du milieu forestier comme du milieu aquatique. De plus, la végétation qui s’y trouve agit comme une barrière physique contre l’érosion. Les herbiers aquatiques dissipent l’énergie des vagues, alors que les racines des arbustes consolident le talus. C’est la raison pour laquelle une des interventions prioritaires dans la saine gestion d’un bassin versant ou d’un lac consiste à préserver la bande riveraine et les herbiers aquatiques.

On calcule, dans le monde immobilier, que la présence d’un cours d’eau augmente la valeur d’une propriété de 20 à 30%. Si vous avez la chance d’avoir un cours d’eau, ne serait-ce qu’un ruisseau sur votre propriété ou que vous soyez propriétaire d’un chalet sur le bord d’un de nos lacs magnifiques, la première mesure à prendre pour conserver la valeur de votre investissement et sa fonction écologique, c’est de vous assurer de conserver ou de restaurer la végétation de la bande riveraine. Selon les fonctions écologiques auxquelles on s’intéresse, la bande riveraine devrait avoir une profondeur minimale de 3 à 10 mètres du bord de l’eau. Idéalement, cette distance devrait être calculée à partir de la zone des hautes eaux, c’est-à-dire l’endroit où les crues printanières amènent normalement le niveau de l’eau.

Les bandes riveraines de nos lacs ont été fortement dégradées par l’occupation humaine. Déboisement, artificialisation, remblais, quais, débarcadères; la liste pourrait s’allonger. Toutefois, tant que le terrain n’a pas été emporté par l’érosion, on peut faire quelque chose pour restaurer et réhabiliter les berges. Partout au Québec, les organismes de bassin versant (OBV), avec l’aide du Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatiques mettent en œuvre des programmes éducatifs, offrent des conseils, des boutures d’arbustes et font des projets avec les agriculteurs et les municipalités pour protéger et restaurer les bandes riveraines. Le Regroupement québécois des organismes de bassin versant (https://robvq.qc.ca/) pourra vous renseigner un peu plus sur le sujet.