Les rivières déchaînées
Mercredi 24 juillet 1996
Les rivières déchaînées
Les barrages ne sont pas en cause, disent deux experts
L’intensité des pluies sur la région du Saguenay au cours du week-end dépassait tout moyen de contrôle. C’est vraiment une catastrophe naturelle, un act of God . À moins d’avoir pu prévoir la température deux semaines à l’avance, ce qui n’est pas possible, il n’y avait rien à faire.
C’est l’opinion exprimée hier par MM. Jacques Bouleva et Louis Mathier, respectivement directeur des produits et marchés et directeur adjoint recherche et développement chez HMS Energy, une entreprise québécoise qui a essaimé d’Hydro-Québec. La société d’État y détient une participation par l’entremise de sa filiale Nouveler.
L’entreprise de 56 employés, incorporée il y a 18 mois, a mis au point une technologie qui permet la gestion intégrée des ressources hydriques, de la prévision des apports en eau à l’exploitation d’une centrale en passant par toutes les contraintes, environnementales et autres.
M. Mathier ne sait pas si le logiciel Hydrosoft aurait eu un impact sur les inondations au Saguenay, qu’il compare à lacrue qui a gonflé le fleuve Mississippi il y a deux ans. C’est une situation difficile à gérer à cause de son caractère exceptionnel. Au Saguenay, trois choses sont arrivées simultanément, ce qui est rare : des pluies très exceptionnelles ; un sol déjà totalement saturé par plusieurs jours de pluie, et un bassin versant très pentu.
M. Bouleva note que c’est un mythe de croire que ce sont les barrages ou les centrales qui créent le problème. Aucontraire, le fait que ces ouvrages soient présents sur les cours d’eau a tendance à atténuer les crues. Sans leur présence, la situation serait la même ou pire.
Les outils qui sont développés visent la gestion d’événements récurrents. Si le Saguenay avait plutôt connu des crues annuelles courantes, le logiciel de la société aurait permis d’éviter 90 % des dégâts. Mais face aux pluies torrentielles qu’a connues la région, il n’y avait rien à faire. Pour faire face à une telle crue, par exemple, il aurait fallu vider le lac Kénogami, une opération d’environ deux semaines. Ce n’est même pas certain que cela aurait été suffisant.
La performance du logiciel, qui peut généralement prévoir les apports en eau 24 heures à l’avance, dépend de prévisions météorologiques précises. Le Canada est un des pays qui a le meilleur système de prévisions météorologiques et entreprend des recherches poussées sur un système de prévisions par radar. Cette technologie coûteuse en voie d’implantation au pays permet de détecter – au mieux trois jours à l’avance – la présence de précipitations et surtout leur progression, tout comme il est possible de le faire pour les ouragans.
© 1996 La Presse. Tous droits réservés.