Le lac Kénogami inquiète les gens de Laterrière
le vendredi 21 juillet 2000
Le lac Kénogami inquiète les gens de Laterrière
Quatre ans après le Déluge, les sinistrés en subissent toujours les séquelles alors que chez ceux du verglas, en Montérégie, les répercussions ont généralement disparu après deux ans.
Comment expliquer ce double comportement à la suite de catastrophes aux effets analogues? Simplement, explique l’équipe de recherche de l’Université du Québec à Chicoutimi qui a mené l’enquête, parce que le Déluge, contrairement à la tempête de verglas, fut d’abord perçu comme le résultat de la négligence humaine et non essentiellement un « Act of God ».
Voilà sans doute pourquoi les quelque 350 Laterrois installés sur les bords des rivières Chicoutimi et du Moulin et dont les propriétés ont été ravagées par les inondations des 19, 20 et 21 juillet 96 demeurent très inquiets. Leurs représentants, notamment Jean-Marie Beaulieu, le maire, et Gilles Potvin, ce citoyen fort réputé pour sa connaissance du réseau hydrographique du lac Kénogami, s’étonnent du peu d’empressement que le gouvernement québécois manifeste à appliquer les recommandations de la Commission Nicolet.
Trois ans de préparation
Certes, le Premier ministre Lucien Bouchard et son titulaire des Richesses naturelles, responsable de la reconstruction, Jacques Brassard, sont venus annoncer, à Chicoutimi, le 11 juin dernier, dans une conférence de presse donnée en présence de plusieurs maires et d’une multitude gens intéressés à la chose, l’attribution de 170,2 millions de dollars « pour compléter la mise en oeuvre des recommandations du rapport Nicolet ». Afin d’assurer « une gestion sécuritaire des crues du bassin versant du lac Kénogami », Hydro soumettra au gouvernement, d’ici trois ans, un projet comprenant des ouvrages de consolidation autour de l’immense réservoir et l’érection d’un barrage sur la rivière Pikauba. Les travaux s’échelonneront sur un échéancier de trois ans.
La décision a été accueillie, répétons-le, par un immense soupir de soulagement. On apprécie que le mandat d’édifier des ouvrages de retenue sans exploitation hydroélectrique soit confié à Hydro-Québec.
Pour atteindre l’objectif de sécurité absolue tout en maintenant le niveau du lac Kénogami à la hauteur réclamée par ses estivants, il fallait éviter l’élément perturbateur de la production d’énergie. La situation était déjà suffisamment complexe avec les préoccupations souvent opposées des riverains du lac Kénogami, de ceux des rivières aux Sables, Chicoutimi et du Moulin, et d’Elkem Metal sans que l’État en rajoute.
Le maire Beaulieu s’interroge
Mais trois ans pour compléter les études techniques, c’est un délai beaucoup trop long, considèrent le maire Beaulieu et les sinistrés de Laterrière. Ils demeurent convaincus que si le gouvernement insiste, Hydro-Québec agira tout aussi rapidement et efficacement qu’après la crise du verglas en Montérégie. Ils s’expliquent mal aussi que la rivière aux Écorces soit ignorée dans le décret gouvernemental alors qu’elle représente toujours un danger potentiel dans l’éventualité d’un autre excès de Dame nature.
Seuls à exprimer des réserves, les gens de Laterrière s’étonnent du silence des autorités municipales de Chicoutimi et des sinistrés du Bassin. Surtout quand ils constatent qu’aucune solution n’a encore été apportée à l’incapacité, dans l’hypothèse d’une autre crue excessive, des canaux d’évacuation des barrages Price, Garneau, Arnaud et Elkem Metal à absorber le torrent provenant du lac Kénogami avant de la diriger vers le Saguenay.
Songeons à cet anniversaire du Déluge que le Portage-des-Roches retient, à 125 mètres au-dessus de Chicoutimi, une gigantesque masse de 380 millions de mètres cubes d’eau, soit 150 fois la quantité maintenue par le célèbre barrage Daniel-Johnson sur la Manicouagan.