Le Quotidien, Lundi 22 Août 2005

Lac Kénogami: la saga se poursuit toujours!

Le lac Kénogami est demeuré au centre de l’actualité saguenéenne au cours de l’été qui s’achève. C’est encore le niveau de son plan d’eau qui a suscité mille commentaires et quelques bêtises. Si le temps sec et ensoleillé a ravi les Québécois, il a modifié le réseau hydrographique en réduisant considérablement les précipitations. Les agriculteurs s’en inquiètent toujours, tout comme les producteurs d’énergie. Même Alcan s’est prévalue de son privilège d’acheter de l’électricité à Hydro-Québec pour faire tourner ses usines. Mais, pour la multinationale, maintenir le niveau d’eau que les riverains du lac Saint-Jean jugent satisfaisant ne l’ennuie pas réellement. Elle emmagasine sagement dans ses réservoirs situés plus haut dans l’arrière-pays, des réserves qu’elle utilisera en temps voulu. Au complexe récréohydroélectrique de Kénogami c’est différent. Québec a refusé le creusage d’un réservoir tampon dans le Réserve faunique des Laurentides. Le beau et grand réservoir ne dispose donc d’aucune marge de manœuvre. Il n’existe pas de véritable canal d’évacuation. Si les pluies sont trop abondantes, il faut ouvrir les pelles au maximum en espérant que les propriétés riveraines ne soient pas inondées.

Sécheresse et enlisement

Dans l’éventualité d’une sécheresse, comme c’est le cas cet été, l’eau manque et les bateaux de plaisance s’enlisent souvent dans les hauts-fonds. Même si les rivières aux Sables et Chicoutimi s’assimilent à certains endroits à des ruisseaux serpentant à travers les roches, l’eau coule suffisamment pour turbiner les centrales hydroélectriques d’Elkem Metal, d’Abitibi-Consolitated et d’HydroJonquière. Cependant, seule l’entreprise de la côte de la Réserve est accusée de voler l’eau des vacanciers parce que le gouvernement lui garantit, par contrat, la quantité nécessaire à la génération d’une énergie suffisante. Même le maire Jean Tremblay s’en inquiète, il réclame la cession des deux ouvrages abandonnés par HydroQuébec sur la rivière Chicoutimi pour ajouter au potentiel d’Hydro-Jonquière et aux bénéfices que sa ville en retire. Dans toute cette agitation autour du lac Kénogami, seules quelques voix timides rappellent aux autorités que l’objectif ultime des préoccupations fondamentales, c’est la sécurité des quelque 7500 riverains. Car la grande responsable des inconvénients dont se plaignent les citoyens de Lac-Kénogami, c’est Dame nature. Étant donné que les concepteurs et réalisateurs de la transformation de cette impressionnante étendue d’eau en réservoir et en attrayant centre de villégiature n’ont pas respecté ses lois, elle inflige des punitions au gré de ses humeurs. Les autorités demeurent insensibles… Même le Déluge de 1996 qui a détruit, à Laterrière seulement, 359 habitations, et causé un milliard de dollars de dégâts dans l’ensemble de la région, n’a pas suffi à convaincre les sceptiques. Cette catastrophe avait pourtant été précédée, au lac Kénogami, en l’espace d’un quart de siècle, d’une douzaine d’inondations dont cinq majeures.

Rappel de Gérald Harvey

Si Montréal avait été victime de telles catastrophes, les gouvernements supérieurs n’auraient mis qu’une semaine à établir et financer la solution définitive. En vérité, Québec avait entrepris les travaux nécessaires, soit la construction d’un réservoir sur la Pikauba… voilà déjà près de 25 ans! C’est dans le contexte du glissement de terrain de SaintJean-Vianney, en 1971, que le tout nouveau régime libéral de Robert Bourassa, nous rappela l’ancien député- ministre de Jonquière dans une conversation téléphonique, avait commencé à donner suite aux recommandations des spécialistes du gouvernement, inquiets de la menace potentielle d’un lac réservoir aux mouvements mal contrôlés. On a percé une route d’accès et construit un premier remblai. Mais les souverainistes, avec René Lévesque, s’emparèrent du pouvoir et abandonnèrent le chantier. Les péquistes de Lucien Bouchard ont relancé le projet en 2001 après la douloureuse sanction de Dame nature en 1996, mais les libéraux de Jean Charest l’ont rejeté, à leur tour, dès leur avènement au pouvoir. Quand donc l’État aura-t-il le courage d’investir enfin dans la protection d’une population du Québec profond?