le mardi 20 juillet 2004

Huit ans après le déluge

Toujours rien au réservoir Kénogami

Lac-Kénogami – En ce huitième anniversaire du déluge du Saguenay, le président du comité de gestion du bassin du réservoir Kénogami, Paul Ruel, s’inquiète parce que rien n’a encore été fait pour éviter qu’un tel événement se reproduise.

Ses craintes, il les partage avec les membres du comité de gestion qui, lors de leur dernière réunion en juin, ont envoyé une lettre dans laquelle ils demandent de rencontrer le ministre des Ressources naturelles, Sam Hamad.

Selon Paul Ruel, les inquiétudes sont d’autant plus justifiées que la semaine dernière, les événements survenus coup sur coup sur la côte de Beaupré, en Ontario et au Témiscamingue sont venus lui rappeler que des pluies diluviennes peuvent s’abattre n’importe quand et pas seulement à tous les 10 000 ans.

« Une virgule (système dépressionnaire prenant la forme d’une virgule) comme au Saguenay, il y en a eu une en Abitibi la semaine passée et elle a causé de fortes inondations. Comment pensez-vous que nous nous sommes sentis? » interroge M. Ruel.

Travaux

Selon ce dernier, il y a eu beaucoup d’études de réalisées depuis le 20 juillet 1996, mais rien n’a été fait sur le terrain pour retenir les eaux, si ce n’est les travaux sur des digues qui ne changeraient pas grand chose pour les populations des rivières Chicoutimi et aux Sables.

« Pour éviter la répétition de 1996, nous avons besoin de nouveaux outils de gestion et ceux-ci sont au nombre de trois: il y a le rehaussement des digues, mais aussi l’abaissement du seuil de la rivière aux Sables, pour permettre d’augmenter son débit d’évacuation de 150 à 600 mètres-cube à la seconde, et la construction d’un ouvrage pour contrôler les apports dans le lacKénogami. »

Huit mois après que le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement eut recommandé la construction d’un ouvrage de retenue sur la rivière Pikauba, Paul Ruel se demande pourquoi le conseil des ministres tarde tant à donner le feu vert à Hydro-Québec pour la réalisation des travaux. Il craint que le projet soit victime du manque d’argent du gouvernement québécois, en dépit de l’appui de plusieurs de ses ministres.

« Françoise Gauthier nous appuie; Thomas Mulcair (ministre de l’Environnement) nous a déjà affirmé qu’il est prêt à aller de l’avant. Je pense que le gouvernement dans son ensemble ne pourra que donner le feu vert, mais il faudrait qu’il prenne position le plus tôt possible. Ce retard est décevant », laisse tomber Paul Ruel, espérant que c’est l’absence pour maladie de quelques mois du ministre responsable d’Hydro-Québec, Sam Hamad, qui pourrait l’expliquer.

Consensus

En dépit de quelques voix discordantes, Paul Ruel soutient que le projet fait consensus au sein de la population du Saguenay.

Là dessus, il rappelle que les craintes exprimées par les écologistes lors des audiences du Bape ont été prises en compte lorsque celui-ci a formulé ses recommandations.

Ainsi, en abaissant de cinq mètres le niveau de gestion du réservoir pour l’établir à 412,7 m, le projet approuvé par le Bape ne fera disparaître que 161 hectares de milieux humides, au lieu de 463 hectares selon le projet initial. C’est pourquoi il comprend mal la récente sortie du coordonnateur du comité d’environnement de Chicoutimi, Yves Gauthier, qui affirmait récemment dans une lettre ouverte qu’un ouvrage de retenue sur lac Pikauba ferait disparaître 500 hectares de milieux humides et représenterait une menace encore plus grande parce qu’il serait rempli à pleine capacité.

« Si on suit les recommandations du Bape, ces affirmations sont complètement fausses », dénonce Paul Ruel, qui s’est déjà prononcé en faveur du compromis proposé par le Bape.

Quant au financement du projet estimé à 140 millions $, le président du comité de gestion du bassin du réservoir Kénogami croit qu’à défaut d’être inclus dans le programme fédéral de reconstruction, par lequel Ottawa remboursait à Québec 90% de la facture, l’ouvrage pourrait être financé via le programme canadien d’infrastructures. « Mais avant cela, il faut une décision politique et c’est ce que nous demandons, conclut ce dernier.