le lundi 20 juillet 1998

Inondation de juillet 1996

Les plaies toujours vives, deux ans plus tard

Fourches de la Manouane – Encore en fin de semaine, quand les éclairs fendaient le ciel sombre au-dessus des escarpements de la rivière Péribonka, et que des clous tombaient du ciel, la remarque de mon collègue de pêche ne pouvait être autre qu’une référence au déluge d’il y a deux ans.

Comme si depuis les événements de cette fin de semaine de juillet, aucune autre catastrophe n’est survenue sur la terre. Il n’y a pas eu de tempête de verglas l’hiver dernier tout comme le village disparu sous la boue en Italie est une vision de l’esprit. Les massacres de l’Algérie sont du cinéma quand ils sont présentés à travers le filtre des caméras et les derniers tremblements de terre sont des mauvaises reprises des Sentinelles de l’air.

Ce matin, au réveil, nous serons à 24 mois du début du déluge de juillet 1996. Encore aujourd’hui, pour plusieurs, la vue d’un nuage noir suivi d’une pluie un peu forte donne des frissons. Le Comité des citoyens de Laterrière a informé les médias de ses craintes en raison du niveau élevé du réservoir du lac Kénogami, concluant même que les conditions actuelles sont similaires à celles des inondations de juillet 1996.

Un retour Comme c’est toujours le cas, plusieurs médias ont délégué des équipes au Saguenay afin de faire le point après deux années et quelques secondes des événements. Ils en arrivent tous à la conclusion que Chicoutimi est le dernier endroit ou la destruction du déluge a laissé des traces, avec son célèbre dépotoir du bassin. La ville accuse le gouvernement du Québec alors que le gouvernement dit avoir fait ses devoirs. Qui dit vrai…

Par contre, ville de La Baie, la même qui a pris le taureau par les cornes dès les premiers instants de la catastrophe, malgré la tristesse entourant le décès de deux jeunes enfants dans une résidence ensevelie par la boue, s’en tire avec les honneurs de la guerre. Il est vrai que la reconstruction de tout le secteur Saint-Alexis donne un coup d’oeil intéressant qui sera sans aucun doute couronné par une oeuvre du sculpteur Jean-Jules Soucy, un artiste qui a déjà signé des grandes réussites.

Au moment du déluge, à peu près tout le monde s’inquiétait sur la reconstruction. Quand et comment tout ça serait remis en place. Les gens avaient alors oublié que nous n’étions plus à l’époque des «pelles à steam». Le déploiement sur le terrain de toute la quincaillerie moderne a rapidement eu raison de ce paysage dévasté pour le retransformer en routes, ponts, parcs et mêmes secteurs résidentiels.

Le déluge de juillet 1996 a tout de même eu ses moments forts comme la vaste campagne de solidarité. Ses moments pénibles aussi quand tout avait pris la direction du Saguenay. Des moments de courage comme ce fut le cas lorsque deux policiers de Jonquière ont réussi à évacuer une vieille dame dans un HLM en bordure de la rivière aux Sables, alors que le sol sous l’immeuble disparaissait à vue d’oeil.

Des petites communautés, principalement dans le Bas-Saguenay, ont été sérieusement frappées. L’Anse-Saint-Jean a failli ne jamais s’en remettre. A Ferland-Boilleau, ou des citoyens avaient choisi de brûler les maisons pour en finir plus vite avec le passé, la vie a repris et ses irréductibles forestiers ont malgré tout décidé de reprendre la vie au bas d’une nouvelle digue.

Les médias sont devenus des acteurs majeurs au coeur de la catastrophe. Ce fut une course extraordinaire contre la montre et les problèmes de communication. Malgré les obstacles, tout le monde a maintenu les opérations et même plus qu’en situation normale.

Dans ces situations, le dérapage majeur est le grand ennemi qui guette un organe de presse. Malgré toutes les précautions, personne n’y échappe. Le Saguenay, en quelques heures, est devenu le point de mire des caméras de tout le Canada.

Tout est devenu soudainement moins intéressant quand la Commission Nicolet a entrepris ses travaux. Déjà, l’intérêt qui avait attiré tous les médias du Canada s’était envolé. Pourtant, ce fut dans le cadre de cette commission que des informations de premier plan ont été dévoilées.

Souvenirs Plusieurs sinistrés vont garder longtemps en tête ces heures interminables ou l’eau ne voulait cesser de tomber du ciel. Ils en veulent à l’ancienne Stone Consolidated pour sa digue problématique ou aux fonctionnaires du gouvernement du Québec responsables de la gestion du réservoir du lac Kénogami. Les tribunaux civils devront trancher dans ce débat de spécialistes afin de savoir qui de Dieu ou de l’homme est responsable de ce coup d’eau.

L’humain a la mémoire courte. En 30 ans, la région a vécu au moins trois catastrophes importantes. Saint-Jean-Vianney était pratiquement oublié quand la terre a tremblé à la Sainte-Catherine. Et lorsque le déluge est survenu, tout le monde avait oublié les secousses sismiques qui avaient provoqué une fuite de gaz toxique qui aurait pu être dévastatrice dans le secteur Saint-Jean-Eudes.