le vendredi 19 juin 1998

Au fil du temps

Il appartient à Hydro de prévenir un autre déluge

Prompt à intervenir au lendemain du Déluge, le gouvernement Bouchard tarde à appliquer les recommandations de la Commission Nicolet.

Les riverains du Lac Kénogami montrent les dents quand le niveau de l’immense réservoir transforme les berges, comme à la fin de mai dernier, en mare à canards. Ceux des rivières Chicoutimi et aux Sables s’énervent à leur tour dès que les eaux menacent d’envahir à nouveau le sous-sol de leur propriété. Ce qui s’est produit aux premières pluies d’un mois de juin dont l’humidité contraste avec le temps exceptionnellement chaud et sec de mai dernier.

La solution avancée par la Commission Nicolet et soumise aux ingénieurs du consortium Génivel-BPR-Tecsult et aux chercheurs d’INRS-Eau, une constituante de l’Université du Québec, réside dans la construction de deux ou trois barrages dans la Réserve faunique des Laurentides pour contrôler définitivement les débordements de la nature.

Les spécialistes l’ont clairement exposé lors des quatre séances publiques d’information tenues en février dernier à l’instigation du comité provisoire de gestion du bassin du lac Kénogami présidé par Paul Ruel.

Les rivières aux Écorces et Pikauba

Les ouvrages qui régulariseraient les mouvements de ce système de vases communiquants seraient installés sur les rivières aux Écorces et Pikauba. Ils exigeraient des déboursés dépassant les 100 millions $. La présence de trois mini-centrales hydroélectriques rendrait possible l’autofinancement de l’opération. Le revenu prévisible dépasserait, en effet, les 20 millions $ annuellement.

Le sous-ministre responsable de la reconstruction, Georges Beauchemin, a par contre prévenu les gens concernés, et spécifiquement ceux qui ont reconstruit dans les zones inondées avec l’autorisation de Québec, que la menace d’une autre catastrophe demeurera suspendue à chaque printemps sur la tête des riverains tant et aussi longtemps que la solution d’un réservoir pouvant retenir les eaux d’une crue maximum ne sera pas appliquée.

Les citoyens qui sont installés sur les terrains que baigne la rivière Chicoutimi sont les plus vulnérables. C’est pourquoi la mairesse de Laterrière, Françoise Gauthier, a tant insisté pour que l’organisme ou l’entreprise qui exploitera ce potentiel hydroélectrique place la sécurité des populations au sommet de ses préoccupations.

«Dieu a eu de l’aide…»

Certes, le Déluge des 19 et 20 juillet 1996 est d’abord attribuable à un phénomène naturel qui a pompé les eaux du Gulf Stream, comme le démontrent les images satellites prises par le centre de télédétection de l’Université du Québec à Chicoutimi, pour ensuite les déverser sur la Côte-Nord, la Mauricie, le Saguenay et la forêt que perce le boulevard Talbot. Mais si ce fut un «act of God», l’ingénieur Roger Nicolet, président de la Commission scientifique et technique, a constaté, au terme de l’enquête sur la gestion des barrages, que «Dieu a eu de l’aide».

Dans leur analyse approfondie des causes qui ont produit des dégâts estimés à près d’un milliard $, les commissaires accablent de reproches le ministère de l’Environnement et de la Faune (MEF), les municipalités et les gestionnaires de barrages privés. Québec a rapidement répondu à la recommandation de confier la responsabilité de la sécurité des barrages à une autorité indépendante.

Il lui reste maintenant à faire diligence dans la réalisation du programme proposé pour stabiliser le déversement des eaux provenant de la réserve faunique des Laurentides. Comme Hydro-Québec n’est surtout pas un prolongement du ministère du Revenu, l’État devrait lui confier cette mission en lui ordonnant de mettre l’accent sur la sécurité.